On dit généralement que c’est un lieu inconnu de la conscience, une « autre scène ».
« Depuis l’Antiquité, l’idée de l’existence d’une activité autre que celle de la conscience a toujours fait l’objet de multiples réflexions. C’est cependant avec René Descartes (1596-1650) qu’est posé le principe d’un dualisme entre le corps et l’esprit qui conduit à faire de la conscience le lieu de la raison par opposition à l’univers de la déraison. La pensée consciente est alors domestiquée, soit pour être intégrée à la raison, soit pour être rejetée dans la folie. »
Il s’agit de réduire la souffrance, de dénouer les conflits psychiques par la parole et par l’analyse des lapsus et des rêves. Il s’agit aussi de trouver son chemin dans le long labyrinthe de la vie et pouvoir affronter avec plus de sérénité les écueils et les difficultés de l’existence. Le « connais-toi toi-même » de Socrate est une visée psychanalytique. Il s’agit de s'interroger sur son savoir. Se connaître signifie prendre conscience de soi et par là aussi de son ignorance, de son inconscient.
Le psychanalyste va faire relâcher les liens entre les mots et leurs sens, il fera vaciller les mots de l’analysant. Le seul fait de parler en analyse met en question les mots de son univers, ses idéaux, ses valeurs, les notions de vérité, de bien, de beauté sans qu’aucune polémique ne soit introduite par le psychanalyste. Juste susciter un écart entre les mots et la pensée. Le psychanalyste est là pour faire l’âne, pour ne pas comprendre, pour freiner le passage du mot à son sens. Déterminer pourquoi je pense ce que je pense. Comprendre que je pense, là où je ne suis pas, et ainsi s’ouvrir à l’inconscient.
L’étymologie des mots, c’est la trace que la parole comme malentendu, la trace que le malentendu laisse dans la langue. Au commencement était le verbe. Il y a un apprentissage. On vous apprend à parler comme tout le monde, c’est justement que le premier mouvement quand on est petit ce n’est pas de parler la langue de tout le monde, c’est de bricoler une langue à vous, une langue spéciale. Ce sont ces malentendus qui font des effets de sens.
Il est connu que parler fait du bien. Personne n’a attendu Freud pour le découvrir que parler peut guérir à l’occasion. Déjà le confessionnal recueillait la misère morale des pénitents apportant un réconfort à ceux-ci.
« On sait qu’aller mal, être malade, est peut-être une façon de parler quand on ne sait plus parler. Dans le langage aujourd’hui, on dit : ‘somatiser’, ce qui veut dire que le corps devient un moyen de la parole. »
La médecine, avant de s’insérer dans le discours de la science, savait très bien que pour une large part elle opérait par la parole. Ce qui a changé au cours de son développement, c’est la recherche de la causalité concernant le mal-être humain.
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On avoue des misères que l’on a faites, ou que l’on vous fait, des misères faites à soi-même. On avoue que l’on se masturbe, que l’on désire ce qu’on ne voudrait pas, on aime et on n’est pas aimé, on aime qui on ne devrait pas aimer, on n’aime pas comment on aime, on aime des personnes qu’on ne désire pas, on aime et on ne jouit pas avec qui on aime.
Il y a des choses qui ont été dites et qui vous ont marquées et on ne sait pas pourquoi.
La psychanalyse n’est pas définie par le divan. Il y a des analyses en face à face car le divan peut parfois être interprété par l’analysant comme être à la merci ou au caprice de l’autre. C’est un fantasme.
Le divan peut aussi représenter une soumission. Certains auront donc plus de mal que d’autres car il faut demander.
L’objet de la psychanalyse ce n’est pas le divan, c’est le psychanalyste lui-même. C’est l’invention de Freud. C’est un objet nouveau qui permet à quelqu’un de s’éprouver comme un sujet de plein exercice.
Le psychanalyste est un thérapeute. On s’adresse à lui pour guérir, pour aller mieux. Pour lui, le symptôme est quelque chose à supprimer. Il faut une plainte, une souffrance… le sujet consulte pour se débarrasser d’un symptôme dont il se plaint et dont il ne sait pas se débarrasser tout seul. Le symptôme se présente d’abord sous sa face d’inconfort.
On vient en analyse quand on se sent le siège de phénomènes bizarres, d’un certain nombre de trébuchements, d’obsessions bizarres de symptômes bizarres. Quand on souffre de désirer ce que l’on ne voudrait pas, ou d’aimer alors qu’on est pas aimé, ou d’aimer des personnes qu’on ne désire pas, ou d’aimer quelqu’un avec qui on ne jouit pas. Quand l’énigme devient insurmontable, quand la souffrance ne peut plus être soulagée par les moyens du quotidien, quand on est anéanti par le deuil, quand on ne trouve plus de solutions en soi.
Une grande méthode du psychanalyste, c’est l’interprétation qui consiste en une ponctuation. Du temps de Saint Augustin, les manuscrits n’étaient pas ponctués. Le texte se présentait comme un ruban de signifiants continus. L’étudiant devait prononcer les mots un par un dans la lecture à voix haute. La lecture silencieuse est arrivée très progressivement et assez tard. La ponctuation a été un évènement qui a transformé la lisibilité. Dans la bible, l’absence de ponctuation est source d’ambiguïté fondamentale.
L’interprétation, c’est un mode particulier de la parole, un mode bizarre. Il faut reconnaître que l’interprétation analytique n’est pas simple. Elle est obscure, complexe et extraordinaire. Ce sont des énoncés, des façons de parler qui sortent de l’ordinaire. L’inconscient se manifeste fondamentalement de manière bizarre.
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En analyse, on voit apparaître le vrai fondement du votre couple.
Exemples présentés par Jacques-Alain Miller sur France Culture
Il s’agit d’une femme qui a été laissé tomber par le père à sa naissance et même avant sa naissance. Quelqu’un lui a tenu lieu de père mais elle a décidé très précocement dans sa petite enfance que « personne ne paiera pour elle ». Au fond, elle le décide contre mauvaise fortune bon cœur. Si on veut, elle assume l’abandon où elle a été laissée par un « je n’ai besoin de personne ». Voilà comment elle s’en tire. Ça l’a lancé dans sa vie dans une certaine errance.
Un jour, elle trouve un homme et s’y attache. Elle fait couple et progéniture avec cet homme. Et quel homme trouve-t-elle ? Elle trouve un homme précisément qui ne veut pas payer pour une femme. Ça lui convient évidemment car cet homme-là qui ne veut pas payer, fait écho à son « je n’ai besoin de personne ». Et entre tous, c’est avec celui-là qu’elle fait couple. De plus, c’est un homosexuel. Elle l’aime, ils s’accordent. Et la base du couple, c’est que l’un ne paiera pas pour l’autre...
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